= Dis papa, pourquoi les autres ils s’occupent de nos affaires?
= Pour voir si on a les mêmes problèmes qu’eux, et surtout pour se consoler,
si les nôtres sont plus graves.
= Dis papa, pourquoi cherche-t-on sans arrêt à prouver aux gens qu’ils ont
tort, alors que la plupart du temps, ils ont au moins « leur » raison ?
= C’est la hiérarchie mon fils. Le chef a toujours raison.
Sois un chef, même s’il faut être con pour le devenir.
Et, je t’en prie mon fils, sois très con.
= Mais papa, même si tu n’es pas chef, tu peux avoir d’excellentes idées.
= Oui mon fils, mais il ne faut pas les avoir avant le chef.
Offre tes idées au chef en lui faisant croire qu’elles sont de lui
et tu deviendras chef. Après, prends celles de ceux qui ne le seront jamais.
= Dis papa, c’est quoi le communisme ?
= Un livre mon fils qui n’a de capital que le titre.
= Dis papa, c’est quoi le front national ?
= Je préfère ne pas t’en parler. Moi qui ne suis pas raciste,
je serai capable de le devenir vis-à-vis de ces gens là !
= Dis papa, il y a des gens qui boivent même lorsqu’ils n’ont pas soif.
Tu peux m’expliquer ?
= C’est difficile, mon fils, c’est difficile !
Tu sais, je crois que cela arrive lorsque l’on cherche à fuir les réalités
de la vie, et, comme il y a fuite, plus on boit, moins cela se remplit !
= Dis papa, il y a des gens qui se droguent, pourquoi ?
= La plupart du temps pour les mêmes raisons que ceux qui boivent.
Ceux de ma génération qui sont alcooliques ont eu la chance de ne pas
connaître la drogue. Mais le résultat est le même.
L’alcool efface passagèrement, pour une heure ou deux,
les soucis de toute nature. Avec la drogue, on atteint, paraît-il,
un état de rêve, de jouissance tel que l’on se prend pour le roi du monde.
Et dans les deux cas, à un moment ou à un autre, on se réveille…
…quand on le peut ! N’importe comment, nous, alcooliques,
eux drogués, nous présentons cela comme un stimulant, jusqu’au jour
où nous nous apercevons que nous avons besoin d’être stimulés sans cesse.
Alors toutes les excuses nous sont bonnes, et la vie,
lorsque nous en parlons, n’est à nos yeux que laideur et injustice.
Mais ce n’est pas vrai. Ne bois que lorsque tu as soif, mon fils.
= Dis papa, c’est quoi l’utopie ?
= La vie, mon fils, la vie telle qu’on la voudrait.
Tu veux que je te dise mon utopie à moi ?
Réussir à être heureux, sans être esclave de l’argent.
Je t’assure que c’est la plus belle des utopies.
= Dis papa, c’est quoi le crédit ?
= Le crédit, c’est croire.
Enfin, une nuance tout de même !
C’est surtout lorsque les autres croient en toi.
= Dis papa, c’est quoi le débit ?
= Ah ! Ca c’est lorsque plus personne ne croit en toi.
Et si le débit est trop fort, tu coules !
= Dis papa, tu crois que je serai heureux ?
= Certainement mon fils.
D’abord chacun fait son bonheur comme il l’entend
et tu n’es pas sourd que je sache !
= Dis Frank, tu m’aimes quand même ?
= Oh oui !
= Ah bon ! Tu me rassures.
= Dis papa, c’est quoi la jalousie ?
= Cela vient quand tu te rends compte que tu n’es pas capable
de garder pour toi seul ce que tu aimes le plus au monde.
Ceci dans un premier temps si on parle de l’amour.
Cela vient dans un deuxième stade, lorsque tu te rends compte
que tu n’as pas la dialectique nécessaire à contrer celui qui
t’avance des propos que tu sais pertinemment faux.
Cela vient ensuite lorsque tu vois quelqu’un qui n’a pas réussi
mais qui est plus heureux que toi, ou bien lorsque tu vois
quelqu’un qui a réussi, alors qu’il n’a, à ton avis, nullement
les capacités requises.
La jalousie, c’est ne pas savoir vieillir.
La jalousie c’est se dire que la chance ne sourit qu’aux autres.
Alors, je vais te dire, mon fils, ne sois pas jaloux, ou alors, sois-le,
mais de toi…
= Dis papa, c’est quoi le rêve ?
= Le rêve, mon fils, c’est ce que tu fais en ce moment.
C’est idéaliser quelqu’un, en pensant qu’il a réponse à tout,
alors que ton père, mon fils n’est qu’un homme, ou du moins,
essaye-t-il de l’être. Mais je t’en supplie, mon fils, ne te réveille
pas encore !
= Dis mon fils, c’est quoi pour toi l’amour ?
= C’est se sentir bien, à deux, sans s’engueuler.
= Tu crois que ça existe ?
= Oui, en tous cas, je vais essayer de ne pas vous imiter.
= Dis mon fils, tu auras des enfants ?
= Oui, mais j’essaierai de ne pas les quitter.
= Dis mon fils, seras-tu un bon papa ?
= Oui, du moment que je serai là.
= Dis mon fils, c’est quoi pour toi le bonheur ?
= C’est être tous ensemble.
= Dis mon fils, tu pourras un jour me pardonner ?
= C’est fait mon père, ce qui est fait est fait.
= Donc mon fils, tu m’aimes quand même ?
= Oh oui !
= Ah bon ! Tu me rassures.
= Dis mon fils, tu ne m’en veux pas d’avoir parlé pour toi ?
= Non papa, je n’aurais jamais osé écrire tout cela. »